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          Le dernier souvenir qui me rattache à Madame H. relève de l’incompréhensible pour ne pas dire du surnaturel.
          Je mesure l’anachronisme de ce que je vais raconter, mais je vous garantis que cela s’est passé ainsi.
          Dans le patchwork de mes souvenirs, je me revois avec cette dame dans une salle voûtée, maçonnée en grosses pierres. Je suis assis sur un banc devant une table grossière en bois, un bougeoir éclaire la scène et il me semble que je mange. Madame H. est debout devant moi et elle me parle en me dévisageant. Ses lèvres s’agitent mais je ne perçois aucune parole.
          Vous voyez qu’en soi, mon souvenir n’est pas très étoffé et ne vaudrait peut-être pas la peine d’être raconté, sauf qu’à la Feuillantine, (gentilhommière du 19ème) de mémoire d’homme, il n’y a jamais eu une telle salle !
          D’autre part, faire évoluer cette respectable dame âgée dans ce grandiloquent décor n’était pas rationnel et cela suffisait à me convaincre de mon délire chaque fois que, bien longtemps après, je me remémorais l’épisode.
          
          Alors, ...fantasme de gosse ? Voire…

          Il y a quelques années, poussé par une brutale et soudaine impulsion, je suis retourné sur les lieux.  
          Bien évidemment, le propriétaire avait changé et je me suis présenté à lui comme quelqu’un qui désirait revoir avec nostalgie les lieux de son enfance. L’accueil a été très chaleureux et il a d’emblée accédé à ma demande. Il a d’ailleurs voulu me montrer les transformations qu’il était en train d’apporter au bâtiment et à son environnement.
          Entre autres, il faisait supprimer la butte qui était derrière la bâtisse et qui apportait, suivant ses dires, de l’humidité. Le ‘tractopelle’ chargé de cette suppression était d’ailleurs à l’œuvre lors de ma visite. Sur les lieux, nous regardions l’engin évoluer tout en évoquant le temps passé.
          Soudain, l’engin s’est immobilisé, le godet en position haute. Le conducteur est descendu et après un bref regard sur son travail, il est venu dans notre direction nous invitant à venir voir ce qui l’intriguait.
          Nous l’avons donc suivi. Devant nous, une ouverture  faite par le godet permettait de deviner une cavité. Il fut convenu d’agrandir le passage. La chose très rapidement faite, nous débouchions bientôt dans une petite salle voûtée maçonnée en pierre !
          A l’intérieur une table et une chaise en bois qui sont tombées en poussière lorsque nous les avons touchées entraînant dans leur chute un vieux chandelier vert de gris !
          Le décor de mon souvenir était sous mes yeux ! J’étais donc bien venu là quelques cinquante ans plus tôt, mais moi seul le savais !
          Je me rappelle que quelqu’un a posé la question : « Mais comment rentrait-on dans cette cavité ? »
          La question resta sans réponse. Une heure plus tard, mon souvenir était réduit à l’état de gravats, chargés dans un gros camion.
          Il n’y a aucune explication à cette histoire.
          
          Je me plais à dire que si je me suis souvenu de cette maison de mon enfance, je suis certain, qu'elle, de son côté, s'est souvenue de moi.

Jean-Claude DUCOUDER
août 2008
  
Souvenirs d'enfance